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Culture et Société.

Actualité Culturelle et Regard sur la Société.

Cultures Sud: la revue des littératures du sud.

Publié le 17 Février 2011 par Georges Holassey

Voici un article paru sur Culture Sud, à propos du  livre :Gorée : les esclaves y pleurent encore

 

Notes de lecture par Vincente Clergeau

 

Dans ce recueil de nouvelles, Georges Holassey, auteur togolais de 36 ans installé en France, évoque le voyage, l’exil, les peurs enfantines alimentées par les contes et légendes, et l'animisme ancestral qui explique toute maladie ou événement. Avec, en toile de fond, la nature, les arbres, le souffle du vent, les oiseaux, la mer qui reflètent les états d’âme.

La nouvelle qui donne son titre au recueil, « Gorée : les esclaves y pleurent encore », est un récit du retour aux racines africaines de Donovan, Africain-Américain. Un exil à contre-courant qui suscite incompréhension chez les jeunes, qui ne pensent  qu'à échapper à la pauvreté et à la rudesse de la vie dans leur pays. Donovan les invite à réfléchir sur l’exil vers les pays occidentaux : ne faudrait-il pas « rendre hommage aux ancêtres, en refusant de partir là-bas où la liberté leur avait été confisquée » ? Mais Donovan repartira en Amérique

La même thématique est traitée dans « Le voyage de l’espoir ». Il s’agit cette fois de la migration d’un jeune diplômé togolais au chômage, qui va au Sénégal « chercher la dignité ». Il ne la trouvera pas, mais choisira de rester : «j’ai fait le choix de ce voyage et je l’assume. »

L’exil peut aussi être motivé par le désir de recommencer une nouvelle vie, comme dans « L’inoubliable Monsieur Franklin ». En fait, l’auteur décline différentes sortes d’exil, en commençant par celui que suscite la recherche identitaire des Afro-américains.

Enfin, dans « Le marin déchu », c’est un marin allemand, Wilfried, qui échoue à Lomé, la capitale du Togo, par amour pour une fleuriste, Maya. On comprend que c’est une autre sorte d’exil.

Elle le quitte et, après cette rupture, Wilfried, qui a sombré dans la dépression, est suivi dans le service de pyscho-pathologie d’un hôpital. Au cours d’une séance, il confie au professeur qu’il est allé voir un guérisseur, car il est persuadé d’être victime d’un maléfice. Le stagiaire commente : «  Qui de nous pourrait lui en vouloir de croire à une cause mystérieuse de sa maladie, même s’il vient d’un pays, où, nous dit-on, l’on ne croit guère à l’irrationnel ? »

Ces phénomènes mystérieux sont également dans les nouvelles suivantes, sur des tons qui varient du comique au tragique à travers le regard et les peurs enfantines. Dans « Une nuit pas comme les autres », un collégien enfreint l’interdiction parentale et regarde sous un grand arbre, qui abrite des oiseaux terrifiants. Il y voit une forme mystérieuse. Une foule se rassemble à bonne distance de l’arbre, chacun est partagé entre la peur de cet être mystérieux – un esprit ?- et la joie d’assister à un événement extraordinaire. C’est alors qu’arrive Félix, ce maître d’école venu de la capitale qui brave les tabous et dénigre les totems ». La chute est désopilante : l’être mystérieux n’est qu’un pantalon. L’aspect extraordinaire de l’événement est tourné en dérision, mais le mystère a ses attraits, que l’on préfère conserver.

« Mon oncle, ce revenant » raconte la réapparition d’un oncle, disparu depuis quelques années, après la mort de son père « pour ne pas mourir comme son père, qui aurait été tué, selon lui, par un complot maléfique tramé par les membres du clan familial ». La peur suscite des comportements inexpliqués. Christophe, le neveu, va suivre son oncle, mais reste circonspect. L’auteur jette un éclairage teinté d’humour sur les réactions des uns ou des autres. Ainsi lorsque son chien flaire les chaussures de Christophe, l’oncle y voit la confirmation « d’un esprit méchant qui le poursuivait » et que son chien a senti. Or, Christophe découvre « alors ce qui lui faisait perdre la tête : des traces de sang et un reste de rat que j’ai du écraser sans le savoir. » Tout est dit.

Le « Cercle des phénomènes » est dans la même veine. Otto, fils d’un directeur d’école, va passer ses vacances d’été chez son grand-père. Après une mauvaise nuit, son grand-père lui fait subir une cérémonie pour conjurer le mauvais sort. De même, la mort de sa grand-mère, survenue à la suite d’une morsure de chien, a été considérée comme « un envoûtement » par tout le village, qui n’a eu de cesse de faire des cérémonies, en vain. « Deux ou trois personnes tout au plus osèrent accuser de rage ce chien ». C’est simple et percutant.

En revanche, c’est le tragique qui l’emporte dans « Mon ami Léon ». Léon, un enfant bossu, est enlevé à l’entrée du village, bâillonné et ligoté, à cause d’une  lugubre superstition sur les bossus. La seule description des tam-tams, de la danse, de la transe traduit l’horreur de l’acte.

Dans ce recueil, l’auteur souligne la prégnance de la culture ancestrale, le vaudou, au Togo. Il réussit le pari de donner à voir une réalité complexe, sans privilégier un point de vue. Il aborde d’autres thèmes et excelle dans l’art du suspens, rappelant parfois le ton de certaines nouvelles de Roahl Dahl, un maître en la matière.

 

Vincente Clergeau

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